Entretien inédit avec Emil CIORAN enregistré en 1989 (origine et producteur du document non identifiés). - A 2'25 : Ses origines transylvaniennes, alors appelée Autriche-Hongrie, son village natal. L'idée du paradis perdu après son départ de son village à dix ans. Son arrivée à la grande ville de Sibiu a été ressentie comme un arrachement à la terre. Souvenirs de son enfance, son culte pour les paysans. - A 6'26 : Sa perte de sommeil à partir de ses vingt ans, "c'est le plus grand drame qui puisse arriver", il raconte ses nuits d'insomnie à Sibiu. Nuits au cours desquelles il élabora plusieurs de ses livres dont le premier "Sur les cîmes du désespoir" (une histoire de testament car il pensait qu'il allait se suicider). Ces insomnies l'empêchaient de travailler et d'enseigner. Les nuits de Sibiu sont à l'origine de sa vision du monde. - A partir de 8'11 : ses propos sont mixés avec de la musique, progressivement la musique prend le pas sur la parole. - A 8'55 : Le producteur lit un passage de "Sur les cîmes du désespoir" sur la perception du temps les nuits d'insomnies . (Mixé avec de la musique, 0'30") puis reprise de la musique, la voix de CIORAN remonte progressivement. - A10'13 : Emil CIORAN raconte un souvenir datant de ses vingt ans. Un après-midi alors qu'il se plaignait à sa mère de son mal-être, elle lui rétorqua qu'elle aurait dû se faire avorter. Cette phrase constitua un électrochoc pour lui, comme une révélation. La réaction de ses parents face à ses écrits (acceptation de sa mère, gêne de son père). - A 12'22 : L'histoire de la publication de son livre "Des larmes et des saints" en 1937, livre publié sans éditeur et peu diffusé et extrêmement mal reçu. L'analyse qu'avait fait sa mère de ce livre. - A partir de 15'04 : ses propos sont mixés avec de la musique, progressivement la musique prend le pas sur la parole. - A 15'30, à 16'20 : Le producteur lit un passage sur l'insomnie (0'11 + 0'14) (Mixé avec de la musique) puis reprise de la musique, la voix de CIORAN remonte progressivement. - A 17'01 : Cette période d'insomnie a duré sept ans. L'importance des nuits blanches, durant lesquelles il n'y a pas de discontinuité, ni différence entre le jour et la nuit. Le temps s'enchaîne entrainant un changement de perspectives sur les choses. "C'est le temps qui ne passe pas". C'est le sommeil qui rend la vie possible. Ces veilles de l'esprit lui ont fait perdre sa foi en la philosophie qui ne parvenait pas à l'aider durant ses nuits l'insomnie. - A 20'58 : L'importance du philosophe Léon CHESTOV à cette période de déception. - A partir de 21'43 : ses propos sont mixés avec de la musique, progressivement la musique prend le pas sur la parole. - A 22'10, à 23'05 : Le producteur lit un passage sur l'insomnie (0'14 + 0'15) (Mixé avec de la musique) puis reprise de la musique, la voix de CIORAN remonte progressivement. - A 23'42 : Emil CIORAN explique son goût pour les rencontres et les gens désaxés (morbides, râtés), leur influence sur lui. Il raconte quelques souvenirs de rencontres qui ont abouties à sa conscience absolue du néant. Pour lui la vie n'est supportable que parce qu'on ne va pas jusqu'au bout et qu'on a un minimum d'illusions "La lucidité complète c'est le néant". - A 29'35 : L'esprit slave se traduit par la démesure et l'excès. L'importance de l'ennui dans la littérature russe. Sa propre expérience de l'ennui, lié à la conscience du temps exaspéré. - A partir de 31'31 : ses propos sont mixés avec de la musique, progressivement la musique prend le pas sur la parole. - A 31'48, à 32'45 : Le producteur lit un passage sur la volonté et la liberté de l'homme (0'11 + 0'11) (Mixé avec de la musique) puis reprise de la musique, la voix de CIORAN remonte progressivement. - A 33'11 : L'importance de l'implicite et de la non-formulation des actes; la mesquinerie de l'homme. Exemple de la littérature : "le roman est une façon de s'exposer sans se déclarer". Les grands écrivains sont ceux qui savent exprimer ce qui est enfoui chez l'homme et qui est important. DOSTOEÏVSKI est le seul auteur qui soit allé à l'origine des actes. L'intérêt de la vie est de pouvoir saisir la motivation profonde des actes. - A 35'37 : L'importance du ton dans l'écriture ou la musique. - A partir de 37'17 : ses propos sont mixés avec de la musique, progressivement la musique prend le pas sur la parole. - A 38'35 : Le producteur lit un passage sur la musique et la liberté de l'homme (0'18) (Mixé avec de la musique) puis reprise de la musique, la voix de CIORAN remonte progressivement. - A 39'30 : Emil CIORAN revient sur la musique, ne pas aimer la musique est une infirmité. Il écoute beaucoup de musique maintenant qu'il n'écrit plus. Il s'interroge ensuite sur la surproduction littéraire et l'utilité d'écrire. Ecrire était pour lui une nécessité, une façon de se débarrasser de lui-même. S'exprimer simplifie les choses mais leur fait perdre leur mystère. "Les gens qui n'écrivent pas ont plus de ressources que ceux qui écrivent car ils ont tout en eux". "Ceux qui écrivent se vident et au bout de la vie c'est le néant, ce qui explique pour lui que les écrivains soient si peu intéressants" (en riant) "il n'y a que les restes d'eux mêmes qui subsistent encore, c'est des fantoches". - A partir de 42'21 : ses propos sont mixés avec de la musique, progressivement la musique prend le pas sur la parole. - A 42'51, à 43'43 : Le producteur lit un passage sur la littérature (0'09 + 0'10) (Mixé avec de la musique) puis reprise de la musique, la voix de CIORAN remonte progressivement. - A 44'18 : Emil CIORAN revient sur ses débuts d'écrivain, sa carrière. Ecrire lui apportait une sorte de vitalité mais il est resté inconnu pendant trente ans car ses livres ne se vendaient pas. Cette condition correspondait à sa vision des choses. La situation s'est inversée avec l'arrivée du livre de poche. L'anonymat "être inconnu est une volupté". - A 46'10 : Emil CIORAN explique pourquoi il a publié en français à partir de 1939. Ses travaux de traduction, cette envie lui est venue subitement. La difficulté de l'écriture en français a failli le dissuader de continuer. - A 48'57 : Le pont entre l'être et l'histoire se fait par le malaise. - A 49'48 : Son intérêt pour la philosophie bouddhiste. - A partir de 50'42 : ses propos sont mixés avec de la musique, progressivement la musique prend le pas sur la parole. - A 50'50, à 51'16 : Le producteur lit un passage sur le nirvana (même phrase) (0'09 + 0'09) (Mixé avec de la musique) puis reprise de la musique, la voix de CIORAN remonte progressivement. - A 52'10 : Emil CIORAN explique son goût des promenades dans les cimetières. Ce que ces lieux lui apportent comme réconfort. Un cimetière est une leçon de sagesse. Sa sensibilité au désespoir des autres. - A partir de 55'01 : ses propos sont mixés avec de la musique, progressivement la musique prend le pas sur la parole. - A 55'13 : Le producteur lit un passage sur les cimetières (même phrase) (0'15) (Mixé avec de la musique) puis reprise de la musique, la voix de CIORAN remonte progressivement. - A 56'06 : La nécessité de peu écrire, l'importance de l'attente. Emil CIORAN explique qu'il ne veut plus écrire car il en a " eu assez de pester contre le monde et Dieu". La fatigue et la résignation venus avec l'âge. On peut toujours écrire mais ne pas tricher pourtant on peut avoir la conscience du néant et écrire un livre, ce qui reste absurde face au néant. Ecrire pour prouver quoi. Des nécessités intérieures qui échappent à cette vision. "La conscience du néant n'est compatible avec rien, avec aucun geste". La vitalité qui pousse à faire des choses sans y croire est peut être le signe de la vie (Mixé sur de la musique) - A 58'54 : Le producteur lit une phrase sur le manuscrit qu'on jette (phrase répétée et mixée avec la musique). Musique jusqu'à la fin (à 01H03'55).